Avec un père militaire, Gerald Brenan passa son enfance à voyager dans divers pays africains et asiatiques. C’est peut-être la raison pour laquelle l’exotisme ne l’attirait pas. Dès son plus jeune âge, il montre un intérêt pour la lecture, passion qu’il n’abandonne pas même pendant la 1ère Guerre mondiale, où il se rend en tant que soldat. Celle-ci le priva d’une éducation universitaire. Ainsi, quand il entre dans le groupe d’intellectuels “Bloomsbury”, connu en Angleterre pour révolutionner la façon de penser, la littérature et les arts au début du XXème siècle, il ne se sent pas à l’aise. Bien qu’entouré de personnalités importantes du monde culturel comme Virginia Woolf, John Maynard Keynes ou E.M Forster, les gens vrais, qu’il ne trouvait pas dans ces cercles élitistes, manquaient à Brenan.
Il décide alors de s’éloigner de l’intense vie sociale anglaise pour s’offrir l’opportunité d’une éducation que la guerre lui a enlevé. En 1919, il part pour un voyage à la terre rêvée de tant de voyageurs romantiques, la mythique Andalousie. Celle-ci devient son école particulière et les Alpujarras, un coin perdu dans le sud, au pied des montagnes de Grenade, son foyer.
Il s’installe à Yegen, petit village des Alpujarras adossé à un versant de montagne. Il sera vite captivé, non seulement par sa beauté naturelle, mais aussi par la simplicité des gens de la région. Les belles paroles ne lui firent jamais défaut pour décrire la beauté de ce petit village, comme en témoignent les les vers suivants : “Des océans d’air, et les nuages, comme des baleines ou d’énormes épaves de bateaux, planaient sur le village, ancrés par les humides courants d’air marin qui s'élevaient pour couronner la Sierra Nevada.”
Les croyances et coutumes populaires, les expressions, les gestes, l’allégresse et la spontanéité de son peuple le fascinaient. Il nota tout minutieusement et nous offrit “Au sud de Grenade”, œuvre littéraire de référence pour l’ethnographie moderne, où il relate son séjour dans le village. Pendant cette période, nombre de ses amis de Bloomsbury décident de venir lui rendre visite dans la région qu’il aimait tant.
Cependant, cette période de félicité se verra troublée par la situation politique qui submerge l’Espagne et qui culmine avec la Guerre Civile. Il considère que c’est le bon moment pour rentrer en Angleterre, mais ne coupe pas les liens avec la terre qui lui a offert une chose aussi simple et essentielle que de se connaître lui-même. Face à l’horreur de la Guerre, il réagit en écrivant “Le labyrinthe espagnol”, une œuvre capitale de l’histoire récente espagnole, qu’il commença à écrire pendant le conflit et qui se révéla un authentique défi. Il voulait raconter ce qui s’était passé, mais il lui fut très difficile de lutter contre ses sentiments et ses préjugés, car il avait pris parti pour la République et contre le mouvement nationaliste. Cependant il ne voulait pas défendre son camp, seulement tenter de trouver, pour lui-même et pour les autres, une explication aux événements tels qu’ils se déroulaient. Son intelligence et sa sensibilité furent présentes dans chacune de ses œuvres, où ne manqua jamais la rigueur historique.
Brenan vint en Espagne pour trouver un peu de paix et du temps pour lire ses livres, et le pays finit par devenir son foyer, tant il fut captivé par sa beauté naturelle, la douceur du climat et le caractère naturel de ses habitants.
Considéré comme l’hispaniste le plus important du XXème siècle, l’écrivain anglais Gerald Brenan vit en Espagne bien plus qu’un paradis exotique. Il ne se contenta pas d’être un simple observateur, à la différence de ces prédécesseurs, il vécut réellement l’Espagne, la sentit vibrer et découvrit son âme profonde. Plus que le captiver, le pays le transforma, et il n’y opposa aucune résistance.